La philosophie française et l'inspiration germanique, hier et aujourd'hui

Janicaud, Dominique (1937-2002)

La philosophie française et l'inspiration germanique, hier et aujourd'hui [Texte imprimé] / monsieur Dominique Janicaud - 1 vol. (35 p.) ; 24 cm

Conférence donnée le 16 mars 2002

Notes bibliogr.

L'inspiration germanique constitue, depuis deux siècles, un enjeu essentiel pour la philosophie française. L'analyse des jalons significatifs de cette histoire doit contribuer à la réflexion sur la question de la « nationalité » en philosophie, tout en éclairant la situation présente : si l'enjeu est toujours actuel, comment en préciser la donne ? Nous partirons d'une « topique » initiale : les meilleurs esprits, des deux côtés du Rhin, s'accordent pour établir un partage tranché entre deux traditions, deux langues et surtout deux esprits nationaux aux caractéristiques si opposées qu'elles paraissent incompatibles. Dès la fin du XVIIIe siècle et tout au long du XIXe siècle, la réception de la philosophie allemande se heurte à d'évidents obstacles, qui ne sont pas seulement linguistiques et terminologiques. Pour surmonter ces difficultés, il fallait des tentatives pionnières, comme celles de Madame de Staël, de Cousin et de Ravaisson. Mais ces premières fascinations envers l'idéalisme allemand n'ont pas connu les prolongements attendus, alors que Kant a bénéficié d'une vague régulière de traductions et d'études qui le consacrent finalement comme l'un des maîtres de la Sorbonne que brocarde Péguy. Le XXe siècle offre un tableau contrasté : les vives réticences d'un Bergson et d'un Brunschvicg ont des ressorts presque antithétiques (une philosophie de l'élan vital d'un côté, un rationalisme optimiste de l'autre) qui trouveront leurs contreparties dans des inspirations germaniques elles-mêmes hétérogènes, à la mesure de leur richesse et de leur complexité. De nouveau, et encore plus nettement qu'au siècle précédent, des traducteurs courageux, de libres esprits (de Lucien Herr à Jean Beaufret) ont joué un rôle décisif. Ces efforts ont réussi à renverser une situation initialement défavorable : durant la deuxième moitié du XXe siècle, de grandes figures magistrales d'Outre-Rhin ont incontestablement dominé la scène philosophique française. Si Hegel revient au premier plan, Husserl et Heidegger lui disputent la vedette ; les années 60 voient s'imposer de nouvelles lectures des « maîtres du soupçon » : Marx, Nietzsche et Freud. À la lumière de cette histoire, on reprendra l'examen de la « topique » initiale, en s'interrogeant sur la situation actuelle : l'« identité » de la philosophie française a-t-elle été mise en péril ? Les qualités reconnues de sa langue, de sa clarté conceptuelle et de ses méthodes d'argumentation ont-elles été compromises ? Comment évaluer l'ampleur des déplacements terminologiques et des bouleversements herméneutiques opérés sous l'influence de la pensée allemande ? En conclusion, on reconnaîtra que l'inspiration germanique, qui n'a pas toujours fasciné la philosophie française, pourrait s'effacer, comme si une longue parenthèse devait se refermer. On formulera pourtant l'espoir qu'un dialogue vivant se poursuive avec ces spéculatifs que furent sous des formes différentes les maîtres de la philosophie germanique. Qu'ils l'illustrent ou qu'ils l'attaquent, ils se sont mesurés avec la grande tradition de la métaphysique occidentale. La philosophie française ne continuera à se nourrir de ce dialogue que si elle se maintient elle-même à la hauteur de telles exigences !


Résumés en français et en anglais

978-2-7116-5023-1

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