Le vrai et le faux [Texte imprimé] : philosophie et histoire de la philosophie après Hegel et Marx / M. Domenico Losurdo

Conférence donnée le 25 mai 2002

Notes bibliogr.

Je crois que, de nos jours, un système philosophique, pour être valide, ne peut se limiter à se justifier rationnellement lui-même, mais qu'il doit aussi être en mesure d'expliquer l'existence des autres courants de pensée considérés comme faux et contradictoires. Sous certains aspects, nous nous trouvons devant le problème classique de la théologie : il ne suffit pas de démontrer l'existence de Dieu ; au contraire, ce n'est pas même le pas le plus difficile, car il s'agit ensuite de déduire de l'Un la pluralité qui caractérise le monde. Pour la philosophie, le problème est encore plus compliqué, du fait que, alors que pour le croyant la création du monde peut être considérée comme essentiellement terminée, l'univers des systèmes philosophiques est en expansion incessante. Ce serait une attitude ingénue de penser qu'une fois énoncée la vérité de son propre système, la production des systèmes viendrait à cesser. Et c'est donc cette production qu'il faut expliquer. En d'autres termes, le vrai est tel dans la mesure où il réussit à justifier aussi bien soi-même que l'autre que soi. Le premier à prendre conscience de manière radicale de ce fait a été Hegel. C'est de là que sont issues la distinction entre entendement et raison et la théorisation de la dialectique. L'entendement est capable de réfuter le faux, mais non de produire sa justification partielle ; cette justification n'est possible qu'à la condition de lire un système philosophique assurément dans sa logique interne, mais aussi dans son rapport avec le temps historique où il a paru. Par là, le discours philosophique a la tendance à être en même temps un bilan historique. L'irréversibilité de ce tournant est confirmée par les grandes philosophies de notre temps, qui prennent pourtant, le plus souvent, une attitude polémique à l'égard de Hegel. Personne ne s'est engagé avec plus de force que Nietzsche dans la déconstruction de la pensée historique ; et, toutefois, qu'est-ce que sa philosophie, sinon une relecture de l'histoire de l'Occident opposée à celle de Hegel ? Le discours philosophique est désormais inextricablement intriqué au bilan historique, comme le confirme la configuration intrinsèque de ce discours chez des auteurs aussi différents entre eux que Heidegger, Schmitt et Arendt

Résumés en français et en anglais